Secousses Sismiques : Comment le Bois Affronte et Surmonte les Défis

Résistance du bois face à un séisme

Le bois présente un certain nombre d’avantages face à un séisme. C’est un matériau qui présente une bonne résistance pour une masse volumique relativement faible. Il se développe donc au sein des structures bois moins de forces d’inertie (proportionnelles à sa masse) auxquelles le bois réagit bien.

Le bois est aussi un matériau résilient. Il possède une bonne résistance en fatigue et un comportement intéressant du point de vue des charges dynamiques[2]. Cela signifie qu’il supporte un niveau important de vibrations et de chocs sans pour autant s’altérer durablement. Il résiste également à des charges cycliques de faible durée. Son intensité peut atteindre 1,25 fois la charge statique permanente admissible. Enfin, si le schéma de contreventement de la structure est satisfaisant avec une présence adéquate de voiles et/ou de palées, les assemblages bois métal, qui sont fréquemment utilisés, facilitent une dissipation significative d’énergie.

Du fait des qualités du matériau, les structures en bois soumises au séisme admettent des déformations très importantes sans pour autant provoquer un effondrement. Tant que les assemblages entre les éléments en bois ne se disloquent pas, les structures bois restent intègres. En revanche, il est fréquent de devoir effectuer des réparations. Elles peuvent être importantes sur tout ou en partie du bâtiment après un séisme de forte intensité.

Maison en bois après le tremblement de terre de San Francisco en 1906 : les déformations sont importantes mais l’effondrement n’est pas complet (photo Underwood Archives)

[2] Par exemple, les charges sismiques s’appliquent pendant que la structure est en mouvement en raison de la charge qu’elle supporte.

Dimensionnement de structures en bois au séisme

Le dimensionnement des structures en bois vis-à-vis des séismes s’effectue en respectant les méthodes et les prescriptions de :

Ces réglementations ne font pas l’objet d’un traitement approfondi ici.

Il est fréquent de dimensionner les structures à partir de la détermination d’un spectre de réponse normalisé. Elle-même construit à partir de données de séismes antérieurs. Ce spectre de réponse donne accès à un chargement sismique réglementaire, qui s’applique à la structure. À cette structure s’associe un coefficient de comportement, noté q. Celle-ci utilisé pour la réduction des efforts utilisés dans un dimensionnement en analyse linéaire. Par défaut, et de manière sécuritaire, ce comportement se prend égal à 1,5. Mais cette valeur peut se raffiner par des campagnes d’essais physiques ou numériques.

Enfin, les modes d’assemblages non classiques ou innovants font l’objet de tests de résistance et de comportement. Ces tests se font dans des organismes comme le FCBA ou le CSTB.  

Essai sur table vibrante d’une maison à ossature bois au CEA de Saclay

Facteurs de ruine 

Il arrive qu’en dépit de l’application des règles de construction parasismique, certains bâtiments ne résistent pas à un événement sismique.

Il est possible qu’une mauvaise évaluation de l’interaction entre le sol et la structure dû au comportement du sol lors du séisme (tassement, liquéfaction partielle ou totale…) provoque l’effondrement du bâtiment. Un mauvais ancrage de la structure aux fondations peut avoir des conséquences similaires. Pour éviter ce genre de désordres, il est important de prendre en compte les prescriptions géotechniques et les données de sol en amont du projet.

Les conséquences désastreuses peuvent parfois découler d’une incompatibilité entre la structure et les autres matériaux de construction, d’enveloppe ou de finition. Une toiture trop lourde, des murs de contreventement en maçonnerie trop rigides par exemple…

Les différents produits bois face au séisme.

Les différents produits de la filière bois ne sont pas toujours équivalents en ce qui concerne leur utilisation en zone sismique.

Le bois massif a un bon rapport résistance/masse mais les nœuds et défauts du bois peuvent rendre son utilisation risquée en cas de séisme. Ces nœuds sont souvent des points d’amorce de rupture difficiles à détecter.

Le lamellé-collé donne la possibilité d’utiliser un matériau quasiment sans défauts, aux fibres orientées favorablement dans les deux directions. De plus, l’action positive de la colle et la limitation du phénomène de fluage, auquel le bois lamellé-collé est moins sujet, contribuent à son bon comportement face au séisme. Enfin, sa résistance accrue permet de le dimensionner dans son domaine élastique. Cela a pour conséquence de limiter les réparations après le passage du séisme.

Le lamellé-croisé offre les mêmes avantages, auxquels s’ajoute la possibilité de l’utiliser en tant que voiles de contreventement.

Enfin, les produits dérivés du bois tels que les contreplaqués, panneaux de particules et autres agglomérés ont un comportement intermédiaire entre le bois massif et les lamellés collés et croisés. Ils sont relativement homogènes, mais leurs caractéristiques de résistance ne sont améliorées que dans la direction transversale.

Dispositions constructives

Conception architecturale et structurelle générale

Le schéma statique d’une structure parasismique est en général hyperstatique et admet un grand nombre de zones de plastification potentielles. Elles sont en réalité autant de zones dans lesquelles la dissipation d’énergie est rendue possible. Cette redondance de la structure a pour objectif de rediriger les efforts d’un élément trop détérioré à ses voisins. Et cela sans que l’effondrement global et soudain de la structure n’ait lieu. La rupture d’un élément ne doit surtout pas engendrer d’effondrements en chaîne.

Lors d’un séisme, les assemblages semi-rigides bois-métal se détériorent en dissipant beaucoup d’énergie. Cela provoque d’importantes déformations de la structure et cause la détérioration des éléments non porteurs. On peut citer les faux-plafonds, le bardage, les menuiseries par exemple… Ce comportement doit s’harmoniser sur l’ensemble de la structure pour éviter qu’un étage ou une zone soit plus fragile que l’autre. L’utilisation d’éléments de grande portée ou de fort élancement doit autant que possible être limitée. Exception faite du lamellé collé lorsque c’est nécessaire. Les dispositions constructives particulières au bois sont explicitées dans les parties suivantes. Elles concernent spécifiquement la conception des appuis, le contreventement et la conception des ossatures.

Conception des appuis

Les appuis de la structure sont à ne surtout pas négliger. Car ce sont eux qui sont les premiers à voir les déformations du sol. Ils doivent comporter au moins une liaison mécanique telle qu’un boulon ou un axe. Dans tous les cas, la priorité absolue est que les éléments supportés (poteaux, voiles…) ne sortent pas de leur support.

Comme les structures seront soumises à de fortes déformations, des dispositifs d’appuis intégrant des réglages doivent être prévus de manière à pouvoir dissiper l’énergie sismique en pied et la transmettre aux fondations puis au sol. Il faut ainsi mettre en œuvre des cornières de soubassement ou des sabots d’ancrages métalliques pour liaisonner les palées aux fondations.

Ossatures bois

Les poteaux / poutres

Concernant les ossatures en bois, qui se développent rapidement ces dernières années, les exigences en termes de construction parasismique fixent des règles de bonne conception.

Les poteaux doivent idéalement se déployer sur toute la hauteur du bâtiment pour pouvoir reprendre les charges horizontales. Cela limite le nombre de niveaux à deux ou trois. On a tendance à privilégier les ossatures contreventées, voire des murs porteurs aux portiques.

L’élancement des poutres est également à limiter pour limiter les instabilités en flambement et en déversement. Le rapport hauteur/largeur de la section doit rester inférieur à 4.

Surfaces planes

Les dalles de plancher ainsi que les toitures doivent jouer un rôle de diaphragme suffisamment rigide. Les dispositions d’appuis doivent également s’adapter aux exigences parasismiques. Les montants de ces ossatures doivent se liaisonner aux lisses basses de façade tout en leur permettant, par l’intermédiaire de trous oblongs en partie basse, de se déformer. Le schéma global ne doit pas pour autant être perdu de vue. Par exemple, si des palées de contreventement se trouvent aux angles, elles seront plus sollicitées, et les montants d’angle devront donc être doublés.

La complexité de la conception des ossatures bois parasismique réside dans le fait que sous charges statiques permanentes, les déformations de la structure doivent rester faibles. Ce n’est que sous charges sismiques que des grandes déformations doivent être permises. En d’autres termes, tant qu’il n’y a pas de séisme, la structure ne doit pas être plus souple que ce que la mise en service du bâtiment permet. Cependant le jour où un séisme advient, celle-ci peut se déformer au-delà de ce qui est admis en service si cela évite à la structure de s’effondrer. C’est l’un des avantages de l’utilisation du lamellé-collé, qui peut se dimensionner en restant dans le domaine élastique. Ce qui lui donne une réserve de résistance supplémentaire, pour le cas d’un séisme notamment.

Enfin, une attention particulière doit se porter au contreventement, détaillé ci-après.

Contreventement

Le contreventement et la stabilité horizontale des bâtiments en bois sont primordiaux pour garantir leur bon fonctionnement lors d’un séisme. Les dispositifs de stabilité doivent être en nombre suffisant. Ainsi, un noyau et des palées de stabilité, symétriques et continues sur tous les niveaux. Ils doivent être disposées de sorte que dans chaque direction de calcul, au moins deux soient sollicitées. Si la disposition en plan est allongée, il est nécessaire d’augmenter le nombre de palées.

1ere possibilité :

Dans ce cas, le contreventement du bâtiment est assuré d’une part par le noyau du bâtiment, qui peut être en panneaux de bois lamellé-croisé (CLT) fixés à l’aide de connecteurs métalliques (mais ce dispositif devra faire l’objet d’essais) ou en béton, et d’autre part par deux palées (rangées) de contreventement en façades, disposées symétriquement par rapport au noyau du bâtiment. Ces palées peuvent être en panneaux de bois lamellé-croisé, ou réalisée à l’aide d’éléments linéaires en bois (croix de Saint-André)..

2eme possibilité :

Dans cette configuration, une des palées de contreventement (en bleu) est discontinue. En cas de séisme, les efforts appliqués en tête de la tour ne seront pas transmis au sol, mais au plancher au niveau duquel la discontinuité a lieu, qui n’est pas dimensionné pour cela. Cela risque d’être un point de faiblesse de la structure.

3eme possibilité :

Dans cette configuration, comme le plan du bâtiment est plus allongé, un seul noyau central de contreventement ne suffit pas. Il est nécessaire d’augmenter le nombre de palées de contreventement, de les disposer autant que faire se peut de manière symétrique, et d’en assurer la continuité sur tous les niveaux.

4eme possibilité :

Ici, la rigidité des premiers étages est augmentée par l’ajout d’éléments de type panneaux de CLT. Il est également possible de réaliser les premiers niveaux d’un bâtiment en béton et les suivants en bois afin d’augmenter la rigidité des niveaux bas par rapport aux autres.

La rigidité du rez-de-chaussée doit être supérieure à celle des étages supérieurs (image 3). Les planchers, pans de toitures et les plans des entraits de charpente doivent constituer des diaphragmes rigides.

De nombreuses méthodes existent pour assurer une stabilité horizontale et transmettre les efforts. On peut citer : l’utilisation de panneaux de contreplaqué ou de bois lamellé croisé, les planches clouées à 45° sur une ossature bois, la triangulation entre montants… Dans tous ces cas de figure, il est important de limiter l’entraxe entre les montants de l’ossature (de 40 à 60 mm). Il faut également garantir une section de montants suffisante, et assurer la continuité des chaînages horizontaux (lisse continue pour répartir les efforts). Dans certains cas, des amortisseurs peuvent être disposés à certains angles des ossatures pour absorber de l’énergie tout en permettant des déformations sans dommages permanents, comme représenté sur la figure de droite ci-après.

Quelques exemples de système de panneaux en bois garantissant la stabilité horizontale

Diaphragmes horizontaux

Lorsque des éléments horizontaux (planchers, toiture…) font office de diaphragme, c’est-à-dire jouent un rôle dans la répartition des efforts horizontaux appliqués à la structure, la conception de ces diaphragmes doit également respecter quelques principes constructifs de base.

Ces diaphragmes doivent autant que possible être intègres, c’est-à-dire non percés par des trémies. Lorsque celles-ci sont inévitables, elles doivent être supportées sur tous leurs côtés ; Soit par des éléments structurels primaires (poutres), soit par des entretoises fixées entre ces éléments secondaires. Des entretoises doivent également être prévues au niveau des éléments verticaux résistants aux charges latérales, comme les murs ou les voiles de contreventement. Dans les zones de trémie, la continuité des poutres doit être assurée. Enfin, la direction des poutres et des panneaux de CLT faisant office de diaphragme doit rester la même sur tout le diaphragme, sans changement de sens de portée.

Assemblages

Les assemblages sont, dans les structures en bois, le lieu de la dissipation d’énergie liée au séisme. Ils jouent donc un rôle de premier plan dans la bonne conception en zone sismique.

Les assemblages de charpente classiquement utilisés sous charges statiques sont souvent défavorables sous chargements sismiques. Puisqu’ils diminuent la résistance au cisaillement des pièces de bois. Notamment pour :

  • Des liaisons tenon-mortaise (image à gauche)
  • L’assemblages à mi-bois (image au centre),
  • Des embrèvements, des liaisons à queue d’aronde (image à droite) …
Quelques exemples d’assemblages

Cependant, leur déformabilité doit s’utiliser comme un avantage dans la conception parasismique, avec des assemblages adaptés

Principes de structures bois face à un séisme

Assemblages dissipatifs

On parle d’éléments de structure, de structures ou d’assemblages dissipatifs quand ils sont capables de dissiper de l’énergie (sismique notamment) dans le domaine post-élastique (après avoir plastifié). En zone sismique, il est indispensable qu’un assemblage soit dissipatif. Il est également nécessaire que celui-ci ne soit pas rigide, afin de permettre à la structure de se déformer sans se rompre. Ce n’est pas le cas des éléments en bois, à l’exception de ceux qui se sollicitent en compression transversale.

En zone sismique, on proscrit les assemblages rigides, et on privilégie les assemblages semi-rigides suffisamment dissipatifs.

Il faut considérer les assemblages bois-bois, bois collés et bois-métal comme rigides et donc non adaptés à une construction parasismique

Assemblages mécaniques.

Il faut considérer les assemblages mécaniques réalisés par des organes métalliques comme des assemblages semi-rigides. On peut évaluer leur capacité de déformation en phase plastique et les classer selon leur ductilité (déterminée par des essais expérimentaux) : ductiles (classe III), semi-ductiles (classe II) ou fragiles (classe I). Les assemblages semi-rigides ductiles ou semi-ductiles sont dissipatifs et donc peuvent, pour certains, être adaptés à la conception parasismique. Notamment les clous, les boulons, les crampons associés à des boulons, les broches. Ils transmettent directement les efforts d’un élément en bois à un autre, que ce soit directement ou par l’intermédiaire de goussets, éclisses ou platines.

Dans tous les cas, ils doivent respecter certaines règles de conception en zone sismique, notamment :

  • Pouvoir résister aux oscillations sismiques dans toutes les directions, y compris le soulèvement et la torsion.
  • Ne pas favoriser de concentration de contrainte dans le bois.
  • Ne pas être à l’origine de la formation d’entailles dans le bois ; En particulier dans les diagonales de contreventement qui sont en tension.
  • Être dissipatifs.
  • Avoir une résistance ultime inférieure à celle du bois (car ils doivent s’endommager avant les éléments de structure principaux).

Assemblages cloués

Les assemblages cloués ont un bon comportement au séisme (à condition de ne pas travailler en traction) : ils pénètrent dans le bois sans réduire significativement sa section résistante, et sont assez ductiles pour permettre une bonne dissipation d’énergie.

Il est préférable de répartir les efforts en clouant sur une surface suffisante directement dans le bois. Ou en utilisant des plaques métalliques perforées qui vont augmenter la dissipation d’énergie par frottement.

Les clous trop courts ou de diamètre trop important sont a proscrire car ils sont soit trop propices à l’arrachement, soit trop peu ductiles.

Assemblages vissés

Lorsque la résistance des vis est supérieure à celle du bois, celles-ci vont détériorer le bois à chaque cycle de charge en cas de séisme, et l’affaiblir. Ce qui n’est pas un comportement souhaitable.

Connecteurs à dents

Les connecteurs à dents sont à proscrire. Ils ne s’ancrent pas suffisamment profondément dans le bois pour résister à des sollicitations cycliques.

Assemblages boulonnés

En règle générale, les assemblages boulonnés classiques sont trop peu rigides. Du fait des jeux qui se créent par le retrait et le fluage du bois, il faut les combiner à des crampons. Ainsi, tout assemblage boulonné doit comporter au moins deux boulons à crampons pour augmenter la transmission des efforts.

Pour éviter des jeux trop importants, le percement initial dans le bois ne doit présenter aucun jeu par rapport au boulon. Le filetage du boulon (qui l’affaiblit) ne doit pas être en contact avec le bois. La longueur filetée doit également être suffisante pour permettre de resserrer l’assemblage ultérieurement si nécessaire.

Les boulons de trop fort diamètre (supérieur à 16 mm) ne doivent pas s’utiliser pour les assemblages principaux et réservés aux assemblages secondaires. Puisqu’ils réduisent la ductilité de l’assemblage.

Une exception notable concerne les assemblages de portiques en lamellé-collé. Ils se font en zone sismique par des couronnes de boulons.

Pagode Horyu-ji au Japon (construite au 7ème siècle) résiste aux séismes grâce à son noyau central et à la technique du Kigumi, un mode d’assemblage des éléments en bois par des tourillons qui permettent à la tour de se déformer sans s’écrouler (C. Rennie, R. Harding, AFP)

Les constructeurs de la pagode du sanctuaire Horyu-ji ont inventé au VIe siècle ce système de balancier, illustré par les images suivantes :

lien image : Pinterest

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